«On a senti un accueil chaleureux ici, surtout des autres fermiers du coin. Même de notre voisin de 70 ans. Il nous appelait pour en savoir plus sur nous, pour prendre de nos nouvelles. C’est un homme ouvert d’esprit et comme il a de l’influence dans la communauté, ça eu de l’influence sur les autres», commente Eby.
Cette dernière et sa conjointe Jenna craignaient un peu la réaction de l’entourage en décidant de s’installer à la campagne, où tous se connaissent. «On se demandait si les gens achèteraient nos paniers de légumes», souligne Jenna, heureuse de l’ouverture des gens.
Un parcours de vie atypique
Se désignant comme non-binaire (non-genre), Eby Heller a quitté son Chicago natal pour venir étudier en agriculture à l’Université McGill, parcours qu’elle a poursuivi au Danemark et en Inde pour sa maitrise, en plus d’avoir oeuvré à la cause du VIH, au Rwanda.
Souhaitant s’investir plus concrètement, elle œuvre à l’Association canadienne des sages-femmes pour ensuite se tourner vers l’agriculture, un projet qu’elle mettra en branle après sa rencontre avec celle est actuellement son amoureuse depuis 11 ans.
Désignée garçon à la naissance, Jenna Jacobs a changé de désignation de sexe il y a une dizaine d’années. Un choix correspondant à sa réelle nature, longtemps demeurée enfouie. Originaire de l’Alberta, cette dernière a elle aussi décidé d’adopter le Québec comme patrie après ses études doctorales en biologie, à l’UQAM.
Vivre selon leurs convictions leur paraissait tout à fait normal. Tant et si bien qu’elles n’imposent aucun modèle à leurs deux enfants, âgés de 8 et 5 ans, lesquels s’épanouissent avec leurs deux parents dans cette vie campagnarde qui est la leur depuis leur naissance. D’ailleurs, le couple a amorcé un processus judiciaire afin de faire remplacer la désignation genrée «mère» ou «père» par le terme «parent» sur les actes de naissance de tout enfant. C’est ce qu’elles veulent voir inscrit sur celui de leurs enfants.
La tradition à la sauce moderne
Leur vie à la ferme, c’est le train-train quotidien auprès des 450 poules, des moutons, des chevaux, une vache. Et les 45 variétés de légumes certifiés biologique, tout comme leurs œufs, qui poussent dans les deux serres où l’on prépare quelque 200 paniers de légumes aux familles abonnées durant 22 semaines.
Et à la maison, on adhère au wwoofing; on accueille des gens de tout genre, surtout queer, dont certains ayant envie de se replonger dans leurs racines campagnardes. «On veut créer un milieu accueillant pour les personnes qui ne se sentiraient pas chez soi n’importe où», affirme Eby.
«On pense qu’il n’y a pas de personnes gay dans le milieu rural, mais ce n’est pas vrai. On est partout, mais pas forcément visibles», lance Eby, qui s’ouvre sur le sujet en souhaitant en inciter d’autres à s’assumer, à sortir du placard.
«Dans un petit milieu, être connu des gens, c’est un avantage et une protection. Si on a un problème, on reçoit de l’aide», estime Eby Heller.
Depuis 11 années, les deux partenaires se construisent une vie conforme à leurs valeurs et ont atteint un équilibre. Dans l’esprit d’Eby et de Jenna, tout individu a droit au bonheur en vertu de ses choix de vie, peu importe son identité sexuelle, de genre ou de non-genre.
Reine Côté
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