Internet haute vitesse à la campagne à pas de tortue

En 2021, de plus en plus d’agriculteurs désirent s’équiper de technologies de précision, conscients qu’elles simplifieraient leur vie quotidienne et leur travail sur la terre.

Or, l’accès à Internet en haute vitesse est souvent limité, parfois même indisponible.

Puis non seulement, les réseaux ne sont pas toujours fiables en termes de vitesse, mais leurs services sont facturés à prix fort. Et on oublie l’option illimitée.

La campagne mal desservie

Pour l’heure, les secteurs éloignés comme les Hautes-Laurentides, dans la MRC Antoine-Labelle et certaines MRC de l’Outaouais, dont Pontiac et la Haute Gatineau, se sentent laissées à elles-mêmes.

«On est quand même loin et c’est montagneux, forestier et étendu sur le territoire. Ça complexifie l’accès à Internet», explique Benoît Legault, le président de l’UPA de La Lièvre et producteur de lait à Ferme-Neuve, près de Mont-Laurier. Dans son coin de pays, il n’est pas possible de capter les ondes cellulaires partout. Et ce n’est pas le seul impact de l’absence ou de l’insuffisance des ondes. Sans compter les impacts amplifiés par la restriction des contacts sociaux et le télétravail imposés par la pandémie.

M. Legault signale la paperasse gouvernementale à remplir sur le net et le cas des petites fermettes émergentes qui comptaient sur le marché de proximité et qui ont du mal à se positionner sur le marché extérieur, le marché commercial sur internet et les fermes familiales, car ce n’est pas tout le monde qui arrive à se brancher.

L’absence de haute vitesse complique aussi les activités professionnelles dont bon nombre se tiennent désormais sur la plateforme Zoom. «Moi sur mon conseil d’administration, deux membres n’ont même pas accès à Internet. Je dois leur envoyer la paperasse par la poste», souligne M. Legault.

«Le réseau est inégal dans la région. Notre topographie montagneuse, certains producteurs se retrouvent dans la vallée très profonde et l’internet (la tour) est placé en haut de la montagne, avec un signal probablement en haute vitesse, mais une fois arrivée aux producteurs, la vitesse a diminué.»

«Moi-même, je n’ai pas la même vitesse que d’autres et ma conjointe est en télétravail et mes enfants ont l’école à la maison. C’est compliqué de gérer tout ça. Et au début de pandémie, quand on a vu que tout était sur zoom, on a investi pour avoir wifi. On a changé de fournisseur, on a investi 2500 $», note-t-il.

Cher, cher Internet

Geneviève Grossenbacher en sait quelque chose. En décembre, elle a mis à jour le site web de son entreprise maraichère biologique, située à Lochaber-Partie-Ouest, dans la MRC de Papineau. Coût de la facture: 300 $. Les téléchargements qui outrepassent le forfait mensuel, ça coûte cher …. lorsque ça fonctionne. Parfois, une heure est nécessaire pour compléter un téléchargement.

Ses frais d’internet mensuels lui coûtent 90 $. Et la réception demeure instable, de sorte qu’elle ne sait jamais à quel moment le système plantera. Un impact réel pour la directrice de la Table agroalimentaire de l’Outaouais, qui a troqué la métropole pour la vie de campagne.

«En temps de confinement, c’était extrêmement stressant. Presque toute les rencontres avaient été mise en ligne ou par zoom, tous mes projets et mes demandes passaient par zoom ou en ligne. La bonne chose, c’est qu’on s’est concentré sur des moyens moins énergivores. Mais ce n’est clairement pas l’internet que j’avais à Montréal», spécifie-t-elle.

Pour son entreprise qui effectue l’essentiel de sa mise en marché en ligne, les actions sont vite limitées. Et on oublie les capsules vidéo. «Il y a des journées où je dois appeler pour me connecter à Zoom. Il arrive aussi que je n’ai pas d’image visuelle. Si c’est quelque chose de vraiment important, ça me prend des options a-b-c», affirme la maraichère, qui voit certains personnes de son entourage utiliser le fax et le téléphone, faute d’internet.

Même à Mirabel

Sylvie Lecompte, une productrice de lait qui habite sur la rue Lepage, à Mirabel, a un accès très limité tout comme une vingtaine de ses voisins. Si elle changeait son forfait de 10 mégabites à 25 mégabites, elle devrait débourser jusqu’à 150 $ par mois. Pour obtenir une meilleure connexion, elle devrait faire rallonger le câble de 750 mètres entre chez elle et son voisin au coût de : 32 000 $.

Mme Lecompte n’attend qu’un meilleur accès Internet pour moderniser sa ferme, installer de nouvelles technologies qui lui permettraient d’informatiser l’étable, ce qui simplifierait le travail et même d’inscrire les troupeaux sur logiciel, sans parler qu’un accès à la haute vitesse constitue désormais un facteur important sur la fixation du prix de vente d’une maison, observe-t-elle.

En 2016, ils ont envoyé une pétition aux principaux fournisseurs du coin, Bell et Vidéotron, sans que ceux-ci y donnent suite. «Ça fait très longtemps qu’on se bat et on me répond chaque fois que nous ne sommes pas assez nombreux», déplore Mme Lecompte.

 

Reine Côté

rcote@groupejcl.ca

 

Commentaires