Un premier hiver dévastateur
Lors de son deuxième voyage au Canada, Jacques Cartier a décidé d’hiverner. Les mois de l’hiver 1535-1536 furent pénible pour l’équipage français. Le scorbut, une maladie dont on ignorait la cause, a atteint la presque totalité des marins du capitaine malouin.
Se nourrissant de viandes séchées et salées, on a manqué de vitamine C. Aucun fruit ni légume n’étaient consommés. Sur le vaisseau contenant 110 hommes, plusieurs moururent. Les autres, qui voyaient leurs membres enfler, leurs gencives pourrir et leurs dents tomber, ont été sauvés grâce à l’intervention de Domogaya, fils (ou neveu) de Donnacona, qui fit préparer une infusion d’annedda, possiblement fait à base de cèdre blanc. La plupart des hommes réussirent à s’en sortir en buvant cette concoction.
Un lent apprentissage
Près de 70 ans plus tard, de nouvelles tentatives de colonisation sont menées par le Royaume de France. En 1604, Pierre Dugas de Mons installe une colonie sur l’île Sainte-Croix, aujourd’hui située dans le Maine. Samuel de Champlain, qui fait partie de l’expédition, voit la dureté de l’hiver emporter 35 hommes, tous morts du scorbut. L’île prisonnière des glaces sera finalement un tombeau pour plusieurs de ces colons français.
L’année suivante Dugas de Mons décide d’installer une nouvelle colonie sur le continent. Port-Royal est fondée. Pour survivre à l’aridité de l’hiver, Samuel de Champlain, toujours sous les ordres de Dugas de Mons, fonde l’Ordre du bon temps. Ainsi, chacun des membres de la colonie étaient responsables à tour de rôle de chasser, de pêcher et de préparer les repas. La colonie se porte mieux, mais le scorbut est toujours présent. On manque encore de produits frais, de verdure et de vitamine C.
Le début de l’agriculture
L’arrivée de Louis Hébert en Nouvelle-France donne un nouveau souffle à la colonie. Celui qui est considéré comme le premier agriculteur français en Amérique du Nord a testé pendant près de 10 ans des semences ramenées de France. Il a aussi cultivé les trois sœurs, soit la courge, le maïs ainsi que le haricot, des végétaux prisés par les autochtones et bien adaptés au climat du Québec. Apothicaire de formation, Hébert s’intéresse aussi aux facultés médicinales des plantes de la Nouvelle-France. Celui que Champlain a convaincu de venir habiter Québec est mort en 1627, soit 10 ans après son arrivée. Une chute sur la glace au mois de janvier 1627 le mènera vers une agonie de plusieurs jours. Louis Hébert décèdera le 25 du même mois. Quelques mois plus tard, lors du printemps 1627, son gendre Guillaume Couillard, sera le premier agriculteur à utiliser une charrue pour labourer la terre.
La route de l’abondance et de l’autonomie agricole sera un long chemin de croix. En 1627, la colonie ne compte pas plus d’une centaine d’habitants et pas plus de quatre familles d’agriculteurs. Les vaisseaux français sont donc encore nécessaires à la survie des colons français pendant l’hiver.
Une meilleure vie qu’en Europe?
Au fil du temps, la population de la Nouvelle-France augmentent, les terres sont défrichées et le blé, produit de base de l’alimentation française, est cultivé dans les fermes des colons. À l’aube de la Conquête, l’hiver est depuis un bon moment source de joie et d’abondance.
Pehr Kalm, explorateur et botaniste suédois qui voyagea en Nouvelle-France en 1749 écrit que « les repas du Français du Canada […] sont habituellement surabondants; on sert d’assez nombreux plats : potage aussi bien que viandes variées. ». Un officier militaire français remarquera en 1755 que les colons de la Nouvelle-France sont comme des fourmis. Durant l’été, tout est mis en place pour survivre de novembre à la fin du mois d’avril. Les grains, les viandes, les poissons, les légumes et même le lait sont remisés facilement dans les greniers des chaumières. Le froid est utilisé comme méthode de conservation.
Le colon français vit bien, si bien que le taux de natalité est beaucoup plus élevé en Nouvelle-France que dans la métropole. L’abondance de la nourriture et le climat sec de l’hiver ont raison de la fertilité des couples.
Par Simon Martel
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