En effet, le Québec produit un peu plus de 1000 fromages alors que la France en produit près de 1200.
Cette production québécoise, qui a cours depuis l’époque de la Nouvelle-France, est le fruit du mélange des cultures, d’abord française et anglaise, puis de tout horizon. C’est d’ailleurs la perspective de Yannick Achim, propriétaire de la Fromagerie Yannick à Saint-Jérôme. « Le succès et l’abondance des fromages au Québec, c’est en partie dû à l’immigration en sol québécois. »
Le cheddar britannique, un quasi-monopole jusqu’au XXe siècle
Nous observons le même son de cloche chez l’historienne Catherine Ferland. Celle qui participe à l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française indique qu’avant les deux guerres mondiales, on mangeait surtout du cheddar au Québec une coutume héritée des Britanniques, ainsi que le fromage Oka, fierté laurentienne, qui a su s’implanter sur le marché québécois dès le XIXe siècle.
Avec l’arrivée des Européens dans la première moitié du XXe siècle, de nouveaux fromages importés du vieux continent ont fait leur apparition sur les étalages, tels que la Feta grecque, le Parmesan italien ou encore l’Edam néerlandais. Au fil du temps, les producteurs et les distributeurs du Québec se sont ajustés à la demande des clients pour produire eux-mêmes certains de ces fromages ou pour en importer davantage.
Dans les Laurentides, deux fromageries retiennent notre attention et témoigne de la contribution des autres sociétés à la culture fromagère du Québec, soit la fromagerie Marie Kadé ainsi que la fromagerie Le Troupeau bénit.
Le Levant à l’honneur dans les Laurentides
La fromagerie Le Troupeau bénit est opérée par les sœurs du Saint Monastère Vierge Marie la Consolatrice, une communauté grecque orthodoxe. On y produit une dizaine de fromage dont évidemment, l’emblématique Feta.
L’histoire de cette fromagerie débute il y a 30 ans, alors que deux sœurs grecques sont envoyées au Québec pour fonder un monastère. Elles seront rejointes par quelques religieuses de l’Église orthodoxe grecque de Montréal. La communauté moniale s’installera à Brownsburg-Chatham, dans une ancienne ferme qu’elles rénoveront. Comme tous les groupes monastiques, les sœurs sont autosuffisantes. Elles produisent donc une grande partie de ce qu’elles consomment, dont du fromage, fabriqué à base de lait de chèvre, telle que le veut la tradition grecque.
Au fil des ans, l’engouement pour le fromage des sœurs s’est intensifié et en 2000, elles ont débuté la commercialisation de leur produit. Jusqu’en 2006, les sœurs avaient encore leur propre troupeau de chèvres et trayaient elles-mêmes à la main. Aujourd’hui, bon nombre de leurs produits sont disponibles en épicerie et il est possible de se rendre au monastère pour se procurer leur fromage.
Plus au sud dans les Laurentides, la fromagerie Marie Kadé produit plusieurs fromages originaires du Levant, une région comprenant traditionnellement les pays qui bordent l’est de la mer Méditerranée, entre autres le Liban, la Palestine, la Grèce, l’île de Chypre et la Syrie.
Ce dernier est le pays d’origine de Marie Christiane Kadé (Obegi), fondatrice de la fromagerie située à Boisbriand. Enregistrée en 2001, la fromagerie distribue aujourd’hui ses produits partout au Québec, mais aussi en Ontario et dans les provinces de l’Ouest canadien. Elle offre une panoplie de fromages provenant du bassin levantin tel que le baladi (Liban), l’halloumi (Chypre) et l’akawi (Palestine), qu’on dénomme aussi le Saint-Jean-d’Arc, du nom de la ville palestinienne contrôlée par les Chrétiens européens lors des croisades au Moyen Âge.
Les fromages québécois ont donc fait beaucoup de chemin depuis, à l’image de ceux qui nous les ont fait découvrir.
Par Simon Martel
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