Cultiver l’hiver, une solution aux enjeux du 21e siècle?

Face aux enjeux contemporains que nous vivons présentement, soit ceux concernant les changements climatiques, l’accès au transport et à l’énergie et l’interdépendance des nations, certains agriculteurs et maraîchers réfléchissent à des pistes de solutions concernant leur domaine.

Ces derniers tentent de trouver diverses avenues pouvant répondre aux défis que nous aurons à vivre dans le domaine de l’agroalimentaire.

Dans les régions nordiques telles que le Québec, la culture hivernale est envisagée comme option aux enjeux mondiaux que nous avons nommés. En effet, cultiver l’hiver pourrait nous mener à la souveraineté alimentaire, donc à la réduction de notre dépendance envers les autres nations et producteurs des autres pays, permettrait par la même occasion de réduire les GES causés par le transport maritime et routier et utilement, réduirait notre consommation d’énergie.

La serriculture québécoise

Déjà, depuis quelques années au Québec, on réussit à produire des légumes à l’année en serre, donc pendant l’hiver aussi. Nous n’avons qu’à penser aux célèbres serres Savoura, entreprise fondée à Sainte-Sophie en 1995, qui produit des tomates, des concombres ainsi que des fraises, notamment à Mirabel. De plus, la culture en serre permet un environnement contrôlé, donc biologique.

Hormis Savoura, il existe plusieurs centaines d’entreprises québécoises de serriculture. L’association Les Producteurs en serre du Québec indique qu’en 2015, 685 entreprises sérricoles opéraient sur le territoire québécois. Par contre, 345 de ces entreprises ne cultivent que des fleurs et des plantes, c’est donc dire qu’un peu plus de la moitié des serres québécoises ne produisent pas de fruits et de légumes.

Autrement, il est intéressant de noter que 28 % des surfaces utilisées par la production sérricole sont destinées à la production maraîchère, en majeur partie pour la tomate. Ces chiffres nous portent à croire que l’accès à des légumes québécois pendant l’hiver est plutôt limité.

Faire plus avec moins

Certains maraîchers ont une vision alternative, sinon complémentaire, de la production hivernale. Ils et elles croient que l’on peut produire et cultiver l’hiver en diminuant encore plus notre empreinte carbone et notre consommation d’énergie, dans tous les cas, plus que nous le faisons en ce moment avec le modèle de production sérricole que nous connaissons au Québec. C’est le cas de Jean-Martin Fortier et de Charlotte Girard Laliberté. Le premier est un maraîcher, co-fondateur de la Ferme des Quatre-Temps en Montérégie, qui a publié un manuel sur la culture hivernal, Le maraichage nordique. La deuxième est agronome et chercheuse au Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+). Les deux personnalités qu’on a pu connaître dans les médias s’entendent sur différents points qui permettraient de cultiver pendant l’hiver, à moindre coût et se de manière plus écologique.

Ainsi, selon les essais réalisés par ces deux maraîchers, il serait possible de cultiver en hiver, sous des serres de petites dimensions, soit 35 pieds par 75 pieds, en utilisant la méthode bio-intensive, soit une culture diversifiée, sur des espaces encore plus petits qu’il ne l’est recommandé et sur des planches, soit des buttes d’environ 10 à 15 centimètres.

On a aussi réussi à cultiver en serres sans utiliser de chauffage. Il est bien entendu que le choix des légumes est fait en fonction de la basse température des serres. Ainsi, roquette, épinard, boc choï et laitue sont en mesure d’être récoltée dans ces conditions. En période de froid plus intense, lorsque la température de la serre atteint -12 degrés Celsius, les cultures sont protégées par des couvertures flottantes, permettant aux légumes de conserver leur chaleur.

Nourrir le Québec à l’année pourrait donc être possible, mais selon la réflexion éthique soutenant l’approche de ces maraîchers du 21e siècle, nous devrions faire preuve de résilience, en mettant de côté certains fruits et légumes et qui plus est, en adoptant une méthode d’agriculture ancestrale, donc à la main.

 

Par Simon Martel

Commentaires