À la tête de sa micro-entreprise Les fraises alpines L’Ouvre-Cœur, le jeune trentenaire se présente comme un artisan-sélectionneur de fruits oubliés et bien décidé à faire découvrir cette cousine du fruit rouge si populaire dans la Belle Province.
Sur la terre qui lui est prêtée à Saint-Placide en échange de ses bons soins de jardinage, Jean-Philippe Alie poursuit son travail de recherche afin de rendre vivable cette petite fraise de forme allongée, sans stolons, et qui rappelle le goût sauvage de la minuscule fraise des bois souvent transformée en confitures par nos grands-mères après avoir été patiemment cueillie dans les buissons.
Très parfumée, moins acide que la rouge, la fraise alpine est bien connue des restaurateurs européens dont certains privilégient même cette variété jaune en raison de sa fermeté et de l’étonnement qu’elle suscite auprès de leur clientèle.
Un parcours singulier
L’homme qui habite Sainte-Marthe-sur-le-Lac est l’un des rares au Québec à cultiver la fraise alpine. Déjà, son fruit singulier a suscité un certain intérêt chez les restaurateurs et marchands de fruits d’ici. Mais il faut laisser du temps au temps pour implanter un nouveau produit, aussi l’artisan-sélectionneur se concentre pour le moment sur les semences dont il aimerait approvisionner les fournisseurs de plants et végétaux.
Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’il se présente comme artisan plutôt que maraîcher. L’homme de 32 ans a mené sa barque avec originalité, sa bicyclette transformée en râteau faisant preuve d’une évidente débrouillardise.
Jean-Philippe Alie est un véritable cas de réinsertion sociale. Ayant jadis éprouvé des problèmes d’apprentissage en raison de sa dyslexie, il a tôt fait d’opter pour un diplôme d’études professionnelles avec une formation en aide-jardinier en agriculture biologique et développement. «Je suis le seul au Québec qui détient de diplôme», affirme celui qui se décrit comme un passionné atypique.
On le croit. L’homme qui privilégie les légumes anciens, voire oubliés, cultive aussi des variétés rares d’haricots. Et il n’entend pas s’arrêter là.
Ses larges connaissances de l’agriculture, il les approfondies en se promenant d’une ferme biologique à l’autre dans toutes les régions du Québec, transportant ensuite ses pénates dans l’Ouest canadien en période hivernale pour la coupe d’arbres et de vignes. Neuf années d’apprentissage et de dur labeur, qu’il a complétées de deux années chez un vigneron, histoire d’en savoir davantage sur la noble culture du raisin.
Huit ans de recherche
Et depuis huit ans, de Joliette à Saint-Placide en passant par Saint-Joseph-du-Lac, Jean-Philippe a expérimenté la culture de la fraise alpine avec tests à l’appui afin de trouver la meilleure recette de reproduction. Des 2000 plants qu’il ensemence, il n’en garde que 500, ce qui lui permet de récolter quelque 1200 fruits par saison.
Un travail récompensé
«Je vise à faire éclater le marché de la fraise alpine et j’aimerais beaucoup en faire un produit unique à la MRC de Deux-Montagnes», indique-t-il.
Son minutieux travail se fait remarquer. Membre administrateur de la Chambre de commerce et d’industrie de Deux-Montagnes et aussi de la société d’agriculture de Deux-Montagnes et de Mirabel, Jean-Philippe Alie a été lauréat avec sa micro-entreprise dans la catégorie bioalimentaire du Défi OSEntreprendre de la MRC de Deux-Montagnes en 2019.
En plus de la fraise alpine, Jean-Philippe Alie aimerait bien redonner une vie commerciale à des légumes oubliés, devenus rares avec le temps, comme les haricots secs. Il en a ensemencé pas moins d’une centaine de variétés près de ses fraises.
Bien qu’il souhaite populariser la fraise alpine, Jean-Philippe n’ambitionne pas sa commercialisation. «On m’a offert un demie million de dollars pour mon entreprise et j’ai refusé, car on me demandait 51 % des parts», souligne fièrement l’artisan qui tient à son indépendance.
Destiner sa reproduction en participant à l’économie sociale lui tient davantage à cœur. Il envisage de collaborer à un organisme communautaire afin de recevoir des jeunes pour des projets de réinsertion sociale. «Je préfère préconiser sur l’utilité sociale», insiste-t-il.
Par Reine Côté
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