Recrutement agricole: J’y vais ou j’y vais pas sur-le-champ?

Sans surprise, la pandémie entraîne une pénurie de main-d’œuvre estivale, période cruciale pour tous les producteurs agricoles ayant besoin de bras supplémentaires dans les champs.

Entre travailleurs étrangers insuffisants et ouvriers locaux répondant timidement à l’appel du gouvernement Legault, les agriculteurs sont nerveux.

«J’y vais sur-le-champ!» En avril dernier, c’est à coups répétés de ce slogan que le premier ministre du Québec, François Legault, invitait les jeunes à aller travailler chez les agriculteurs.

Québec s’attendait à un intérêt marqué des jeunes pour le travail sur les fermes du Québec. En période de pandémie, les jeunes profiteraient de l’opportunité d’un boulot en plein air tout l’été, majoré au salaire régulier de 100 $ par semaine.

C’étant sans compter sur la prestation canadienne d’urgence offerte par le gouvernement Trudeau quelques temps après aux étudiants. Si louable soit-elle, cette initiative d’Ottawa a provoqué son lot de critiques, certains la percevant comme un frein aux efforts de Québec pour palier à une main-d’œuvre étrangère plus difficile à faire entrer au pays avec les mesures restrictives imposées par la COVID-19.

Travailleurs en moins

C’est que les statistiques du Centre d’emploi agricole de l’UPA sont éloquentes. Près de 30 % de travailleurs en moins dans les champs que par les étés passés, selon Émilie Caron, la directrice du Centre d’emploi agricole de la Fédération de l’UPA Laurentides-Outaouais.

Non seulement les travailleurs étrangers sont plus difficiles à faire entrer au pays en cette période de pandémie, mais une partie de ceux en provenance du Mexique sont plus à risque d’être infectés, leur pays n’ayant pas le contrôle sur la contamination.

Et comme si ce n’était pas assez compliqué, la base de données du gouvernement mexicain qui contient les informations sur les demandes de travailleurs étrangers temporaire a été victime de piratage à l’hiver. «Cet évènement à lui seul a perturbé de façon importante l’arrivée des travailleurs mexicains cette année. En ajoutant à cela la pandémie, l’arrivée des prochains travailleurs mexicains est gravement compromise», note Mme Caron.

«Actuellement, il manque 3000 travailleurs mexicains sur le terrain et les producteurs de pommes sont nerveux. Si les travailleurs étrangers pour les pomiculteurs arrivent à la mi-août et doivent se mettre en quarantaine ensuite, il sera trop tard», spécifie-t-elle.

PAIOTET prolongé

Les producteurs peuvent toutefois bénéficier du Programme d’aide pour l’isolement obligatoire des travailleurs étrangers temporaires (PAIOTET) : un soutien financier de 1500 $ qui peut être demandée jusqu’au 31 août 2020.

Même s’ils ne sont pas aussi nombreux qu’espérés, l’arrivée de travailleurs locaux change la donne, fait valoir Mme Caron. «La campagne de recrutement sur le site www.emploiagricole.com amène une grande visibilité sur les besoins des agriculteurs. Ceux-ci disent qu’ils reçoivent plus candidatures spontanées que par le passé. Avant, les gens n’y pensaient pas. Donc, c’est un point positif cette campagne. (L’inscription en ligne) c’est un outil supplémentaire. Ça permet de constituer un bassin de main-d’œuvre. Mais cette banque nous donne un accès des travailleurs qu’on n’aurait pas eu avant. Ce n’est pas miraculeux, ça ne comble pas tous les besoins, mais ça fait partie de la recette», indique-t-elle.

Jeunes cueilleurs de fruits

Dans la région des Laurentides et celle de l’Outaouais, près de 150 inscrits employeurs-agriculteurs se sont inscrits à la campagne. Et plus de jeunes qu’auparavant lèvent la main pour travailler dans leurs champs.

C’est le cas à la ferme de Mirabel Aux petits fruits. Cette année, pas moins du double de travailleurs potentiels se sont inscrits sur son site, soit 400 volontaires. Et en majorité des jeunes de 12-13 ans désireux de se mettre un peu d’argent dans les poches en faisant la cueillette. Chantal Demers, la propriétaire de l’endroit, a embauché autour de 150 jeunes.

«Je ne sais pas si c’est dû à l’appel du gouvernement ou le fait que les jeunes n’avaient pas de travail, mais nous avons vraiment eu beaucoup d’inscriptions, cette année», note-elle, agréablement surprise.

«Cette campagne apporte des options. Les agriculteurs sont nerveux, mais ils magasinent leurs options», conclut pour sa part la directrice du Centre d’emploi agricole de la Fédération de l’UPA Laurentides-Outaouais.

Par Reine Côté

rcote@groupejcl.ca

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