Si la chaleur et le soleil réjouissent les vacanciers, elle fait craindre le pire chez les agriculteurs et maraichers, qui voient leurs récoltes menacées par les arrosages insuffisants.
Après le confinement et la lente réactivation de l’économie, cet été ensoleillé semble un cadeau tout droit descendu du ciel. Il est rare d’avoir plus de quatre journées de chaleur en juin. Or cette année, le sixième mois de l’année en a eu 28.
Or le milieu agricole, tributaire comme toujours des caprices de Dame nature, est loin d’y voir la grâce céleste.
Si bon nombre de maraîchers équipés d’un bon système d’irrigation s’en tirent pas trop mal, ce n’est certes pas le cas des producteurs laitiers et éleveurs de bêtes qui ont besoin de foin et de grains pour alimenter leurs bêtes.
Grains et bénéfices en moins
Le propriétaire de la Ferme Gilcristall de Saint-Augustin, Christian L’Allier, ne s’en cache pas, sa saison de récolte frôle la catastrophe. À la mi-juillet, il craignait le pire. En tout, il a perdu 80 % de ses deux premières récoltes de foin, celles étant normalement les plus généreuses. Avec un peu de chance, il parviendra à amasser une quantité de foin acceptable avec les deux autres à venir.
Mais le mal est fait. Sur les 12 hectares, où sont normalement récoltées 300 tonnes de foin, à peine 50 tonnes de foin ot pu être amassées, lors des deux premières coupes. Et c’est sans parler des 23 hectares ensemencés de foin où tout est mort. «Ça signifie des gains et de bénéfices beaucoup moins importants», fait remarquer M. L’Allier.
«Alors, je dois compenser par du maïs, ce qui augmente nos coûts terriblement car il faut acheter des protéines en plus. Une vache moins bien nourrie donne moins de lait en bout de ligne», souligne le producteur laitier de Mirabel.
Une année noire
Pour parvenir à nourrir ses 160 bêtes, il a dû acheter 80 balles carrées de foin. Et il se croise les doigts pour qu’elles lui soient livrées, tous les producteurs du Québec – ou presque – étant touchés par la sécheresse menaçante pour leur récolte.
«Je connais des dizaines de producteurs qui ont épandu de l’engrais avant une pluie, qui n’est jamais venue. Plusieurs producteurs ont perdu de l’argent car l’engrais n’a pas pu faire son effet», reconnait-il.
2020 aura été une année noire pour la Ferme GilCristall, antérieurement été touchée par la crise sur le lait. «Là, je suis découragé. Je dois recommencer dans les champs et les coûts, c’est énorme. Si on peut avoir un automne allongé, ça nous aiderait beaucoup. Avec une maturité du maïs, même si le tonnage à l’hectare est déjà affecté, au moins nos futures récoltes auraient le temps d’arriver à maturité avant la nouvelle coupe de foin», conclut-il.
Pertes énormes
Un peu plus loin à Sainte-Anne-des-Plaines, le producteur laitier Yvan Bastien n’est guère enchanté lui aussi par l’été tropical de 2020.
Le rendement de ses champs n’a été que de 30% lors de la récolte de la première coupe de foin saisonnière, qui comble habituellement 50 % des fourrages annuels.
À combien se chiffrent les pertes ? «Difficile à quantifier en terme de dollars, car ça dépend du prix qui varie selon les années. Et il n’y a pas de foin disponible ailleurs», souligne M. Bastien. En plus de l’absence de pluie, le gel tardif printanier a certainement affecté les champs de foin, note-t-il.
Anticipant des récoltes en moins, il avait cependant décidé à la fin mai de semer du soudan, un fourrage d’appoint poussant plus rapidement sous la chaleur mais la pluie n’étant tombée qu’un mois plus tard a retardé sa récolte en plus de venir avec 50 % de mauvaises herbes.
Bien que les deuxième et troisième coupes de foin aient été meilleures, la saison estivale 2020 n’en reste pas moins désastreuse. «Les dégâts sont déjà faits, car c’est la première coupe qui est la plus importante. Et l’avoine que je fais est sorti à peine à 12 pouces plutôt que 36 pouces, donc le rendement de la paille est catastrophique. Je vais devoir débourser entre 15 000 et 20 000 $ pour m’en procurer. Et les pertes en foin sont aussi importantes, ce qui nous coûtera entre 20 000 et 25 000 $», indique M. Bastien.
Christian Bastien essaie de faire preuve de résilience. «On doit apprendre à travailler autrement avec la température», retient-il de 2020, tout en espérant lui aussi un automne doux.
Par Reine Côté
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