Déjà, à la fin juillet, les raisins commençaient à se colorer.
«Printemps hâtif : maturité des raisins plus hâtive», affirmait d’entrée de jeu le propriétaire du Vignoble Rivière du Chêne, Daniel Lalande, lors d’un entretien à la fin du mois dernier. On anticipe le début des vendanges au début du mois de septembre alors qu’on les commence habituellement dans la deuxième quinzaine du mois, selon les calculs du vigneron Lalande.
Le gel ne touche guère le vignoble du chemin de la Rivière en raison des machines à vent installées au-dessus des vastes champs de vignes. Trois à Saint-Eustache et cinq au nouveau vignoble d’Oka. Cette structure que l’on pourrait méprendre pour une éolienne distribue l’air chaud, permettant ainsi de garder une température au-dessus de zéro, et couvrant jusqu’à quatre hectares par machine.
M. Lalande estime d’ailleurs que le climat du Québec n’est pas plus désavantageux que dans les zones plus au sud. «On a 180 jours sans gel, donc c’est largement suffisant pour la maturation de nos raisins. On a un climat comparable à bien d’autres régions du monde qui produisent du vin», spécifie-t-il.
On voit plus grand
Le vigneron a lui aussi le vent dans les ailes. À son vignoble La Cantina, Vallée d’Oka, où il cultive des vignes sur 20 hectares depuis 2015, il vient d’ajouter 10 hectares. Huit vins y sont maintenant produits et déployés dans deux gammes : L’empreinte distinctive du vigneron et L’empreinte C.
Situé face au lac des Deux-Montagnes, le vigneron avait perçu un microclimat idéal pour étendre ses activités vinicoles. Jusqu’à tout récemment, ses raisins étaient vinifiés dans les cuves de la Rivière du Chêne, mais le terrain d’Oka aura d’ici peu un bâtiment tout neuf pour transformer le fruit des vignes en vin.
À Saint-Eustache, le vignoble de 16,5 hectares vient de se voir ajouter 1,5 hectare supplémentaire, acheté sur le chemin de la Fresnière.
Les cuves du chemin de la Rivière parvenaient à vinifier tous les raisins jusqu’à tout récemment, mais ne suffiront plus quand toutes les vignes ajoutées sur les nouvelles terres fourniront des raisins prêts à la transformation. Et les transporter peuvent les endommager.
Et ses deux vignobles, distincts l’un de l’autre, offrent de produits différents.
Ingéniosité et audace
M. Lalande est heureux ces temps-ci. Son service de restauration reprend vie et la clientèle revient à la boutique pour y acheter les vins en personne. Comme tous les autres entrepreneurs agro-alimentaires et restaurateurs, le Vignoble Rivière du Chêne s’est vu forcé de fermer le service de restauration aux terrasses. La pénurie de main-d’œuvre s’est aussi mise de la partie. Et perdure en 2021. «Et on a eu des retards dans tout, qu’on a réussi à rattraper, mais ça été difficile», affirme M. Lalande, qui a dû laisser tomber le volet événementiel en raison des mesures sanitaires interdisant les rassemblements comme les mariages.
Et évidemment, la pandémie a freiné bien des projets, notamment celui d’ouvrir un pub et une boutique complémentaires à son vignoble d’Oka.
Malgré la fermeture des commerces imposés en octobre dernier, la vente des produits du vignoble n’a pas trop souffert. Il y a eu la promotion des produits locaux par l’entremise du Panier bleu et, surprise, la demande pour ses vins a connu une hausse de 3 à 5 %. Très vite, l’équipe du vignoble a mis au point un service de vente en ligne.
Là où le travail ne manque pas
Et le vignoble suffisait à peine à remplir les commandes. D’où l’idée d’acheter de nouvelles terres et d’augmenter la culture de vignes. Et éviter les ruptures de marchandise, comme il a connu au cours de la dernière année. «Il était temps que les gens voient que les produits québécois sont bons», lance l’heureux vigneron.
Malgré cela, le vignoble peine à recruter de nouveaux travailleurs, surtout en cuisine. Ce ne sont pourtant pas les activités qui manquent au domaine : travail dans les vignes, restauration, distribution des vins. Car si la SAQ vient chaque semaine ramasser les vins qu’elle étale en magasin, ce sont les employés du vignoble qui doivent acheminer les caisses de vins à la centaine de supermarchés IGA et Métro dans la région de Montréal.
Mais peu importe l’énergie à déployer, au Vignoble de la Rivière du Chêne, on vise l’excellence. «Les meilleurs vignerons, ce sont ceux qui, durant les années difficiles, réussissent à se démarquer», assure Daniel Lalande.
Reine Côté
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