Confinement imposé: impacts bien réels pour les agriculteurs

Jamais nous n’aurions cru une telle crise sanitaire possible. Voilà ce que tous répètent depuis que le coronavirus a été désigné de pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 11 mars dernier.

Ses conséquences sont déjà lourdes et le monde agricole n’y échappe pas.

À la Ferme Blondin, de Saint-Placide, la crise sanitaire provoquée par la pandémie a de réels impacts. Agriculteurs depuis huit générations, la famille Lalande s’est spécialisée avec le temps dans la génétique: embryon de vache et semence de taureau. L’un des cinq plus importants généticiens au Canada.

À partir d’avril, ils devaient assurer eux-mêmes la distribution de leurs produits dans tout le Canada.

«On ne pouvait pas choisir pire période, commente Kim Côté, la conjointe de Simon Lalande. Personne n’aurait pu imaginer qu’on vivrait cela

Même s’il est toujours possible d’effectuer les ventes par téléphone et de livrer la marchandise, avec précautions et distanciation, le démarrage se fait au ralenti.

Évidemment, la demande pour le service de génétique est affectée par la pandémie. En temps normal, la Ferme Blondin exporte ses embryons dans 14 pays. Bien que la livraison demeure possible, le portefeuille des gens est lourdement hypothéqué par la crise économique.

Activités annulées

Et c’est sans parler des sept expositions agricoles auxquelles ils participent annuellement, au Québec, à Toronto et au Wisconsin, où ils peuvent faire connaître leurs services spécialisés et leurs bêtes. Ils attendent avec impatience de savoir si celles de l’automne auront lieu tel que prévu.

«On devait faire une vente de 100 à 120 têtes, qu’on a dû annuler et reporter en août. Mais on est loin d’être assurés de pouvoir la tenir. Et si nous ne participons pas aux expositions, on ne pourra pas vendre nos meilleures têtes», déplore Kim Côté.

Le train-train quotidien continue malgré tout à la Ferme Blondin où travaille les membres de la famille et employés. Une quinzaine de personnes en tout.«On ne s’ennuie pas. On a vécu la quarantaine ensemble. On ne se fait plus de câlins et on respecte les distances pour protéger tout le monde. De vivre avec la famille, c’est notre plus belle chance», souligne Mme Côté.

Une saison d’érablière perdue

Pour Nathalie Kerbrat, la propriétaire de l’Érablière du sanglier, à Saint-Jérusalem, le confinement des gens et les mesures de distanciation ont causé presque la catastrophe, sa grosse saison d’activités se déroulant en mars et en avril.

Avec la cessation de ses activités le 15 mars, elle a perdu autour de 2 000 visiteurs qui viennent déguster ses repas, soit 30 % de son chiffre d’affaires, et acheter ses produits du terroir qu’elle concocte et vend sur place, lui assurant un autre 30 % de revenus.

Dans la foulée, elle a aussi dû annuler les repas champêtres et cérémonies spéciales et rembourser tout événement prévu jusqu’en juillet. Sans parler des frais fixes à payer et de sa centaine d’animaux à nourrir.

Avec l’aide de sa fille Justine, l’agricultrice de 57 ans s’en tire pour le moment. «Je n’ai pas d’employé à payer, mais je travaille sept jours sur sept au lieu de six jours. J’ai dû entamer ma saison toute seule et réduire ma récolte. J’ai plus d’ouvrage et moins d’argent qui rentre. C’est vraiment une année terrible, mais je suis en santé», affirme l’agricultrice qui se déplace plusieurs fois par semaine de Saint-Jérusalem à Laval pour venir en aide à ses parents confinés.

D’une nature organisée et débrouillarde, elle garde le moral et apprécie les encouragements de sa clientèle régulière qui se déplace jusqu’à sa ferme pour acheter ses produits.

L’appel de l’achat local

Sur leur exploitation maraichère biologique Entre ciel et terre, le couple Léanne Larocque-Bordeleau et Vincent Guenette vit une situation complètement différente. L’actuel appel à l’achat local laisse résonner un air d’optimisme bien réel sur cette terre familiale de Sainte-Anne-des-Plaines.

Le couple constate déjà un engouement. La demande dépasse l’offre de leur liste de produits, si bien qu’ils ont dû revoir leur planification afin d’en augmenter leur production.

«Les clients sont affamés, prêts à bondir comme des lions sur nos paniers de légumes frais», assure Léanne Larocque-Bordeleau.

Entre ciel et terre embauche surtout des ouvriers qui habitent près de l’exploitation. Des locaux, comme on dit. Et ils sont déjà au rendez-vous, selon elle. Il y a aussi des bénévoles qui offrent quelques jours de travail hebdomadaires en échange de denrées fraichement cueillies.

Pour l’heure, cette exploitation familiale n’est pas trop touchée par les mesures imposées en contexte de pandémie. Leur seul questionnement est de savoir s’ils pourront ou pas maintenir le service d’autocueillette de fraises, une activité fort populaire.

«Sur le coup on a craint pour notre autocueillette de fraises et on craint encore aujourd’hui. Nous avons des pistes de solutions, mais aimerions par-dessus tout qu’elle soit tolérée pour cet été. Car il n’y a rien de sûr pour le moment», se désole la jeune femme de 27 ans.

Par Reine Côté

rcote@groupejcl.ca

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