(Photo Reine Côté) Les agriculteurs québécois auront plus d’un défi à relever au cours des prochaines années.

L’agriculture canadienne à l’ère protectionniste Biden

Bien que les démocrates détiennent désormais le pouvoir à la Maison Blanche, peu de changements devraient survenir entourant les accords commerciaux entre le Canada et les États-Unis.

D’abord parce que l’Accord de libre-échange nord-américain (ACEUM) est entré en vigueur à l’été 2020, mais aussi parce que le gouvernement Biden a clairement annoncé son penchant protectionniste. Directement touché : le secteur agricole.

Malgré des notes discordantes, le président de l’UPA, Marcel Groleau en retire satisfaction. «C’était important d’avoir un traité commercial avec les États-Unis; c’est notre premier marché. Au Québec, 70 % de nos exportations agroalimentaires vont aux États-Unis. Mais dans le secteur agricole au Canada, on est heureux ou malheureux de cet accord. Mais c’était un accord général», indiquait le président de l’UPA, lors d’une entrevue à L’Éveil agricole, le 19 avril dernier.

Les malheureux, ce sont évidemment les producteurs laitiers, dont la gestion de l’offre a écopé dans les négociations avec l’Oncle Sam. «On nous a dit qu’il y aura une compensation pour ceux qui ont été touchés», précise M. Groleau.

Encore sacrifiés

Plus clairement, le Canada a consenti des accès supplémentaires de 3,9 % au marché laitier dans l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, tel qu’annoncé le 1er octobre 2018, spécifie de son côté François Dumontier, porte-parole des Producteurs de lait du Québec.

Il faut comprendre que les producteurs laitiers ne se sont pas tout à fait encore remis d’avoir été sacrifiés dans les négociations de 2018. «C’est le 3e accord commercial qui est conclu sur le dos des producteurs de lait canadiens. De plus, le Canada a aussi cédé en partie aux Américains sa souveraineté en matière de politique laitière en acceptant de plafonner les exportations de solides non gras du lait de son industrie laitière et d’appliquer une surtaxe aux exportations qui excéderaient ce seuil et aussi de soumettre à l’examen des Américains tous changements à la classification et aux prix de vente du lait des producteurs aux transformateurs canadiens», stipule M. Dumontier.

Le 11 mars dernier, le Bloc Québécois a obtenu l’appui de la Chambre des communes, avec son projet de loi C-216, afin que la Gestion de l’offre soit dorénavant protégée et exclue de toute négociation et tout traité relevant du ministre des Affaires étrangères. Il a aussi été question de donner suite aux compensations promises aux producteurs et transformateurs de lait. L’UPA avait pressé les parlementaires des quatre partis fédéraux d’appuyer ce projet de loi.

Plus ça change, plus c’est pareil!

Pour ce qui est de la gouvernance américaine actuelle, Marcel Groleau ne croit pas qu’il faut s’attendre à de grands changements sous Joe Biden. «Il veut relancer le Buy American ACT qui avait été lancé par Barak Obama : tous les projets lancés par gouvernement doivent s’approvisionner aux États-Unis. Et ça, ça touche moins nos agriculteurs. De toute façon, en agriculture, les États-Unis ont toujours été protectionnistes», souligne M. Groleau.

D’ailleurs, M. Groleau est d’avis que le Canada devrait parfois prendre exemple sur son voisin. «Le Canada devrait resserrer ses règles et contrôler davantage les importations qui entrent au pays», dit-il.

Bien que chaque produit importé ici doit correspondre à une ligne tarifaire, certains trouvent des façons de contourner ces règles, explique M. Groleau. Depuis janvier, Ottawa interdit de laisser entrer au pays des textiles en provenance Xinjiang où les Ouïghours musulmans travaillent sous la contrainte. Or, des tonnes de vêtements portant l’inscription Made In China prennent place dans les magasins. Cherchez l’erreur.

Le président de l’UPA donne également en exemple de l’huile sucrée inventée dans les années 1990. «Il n’y avait pas de règle pour ça. Donc le Canada a laissé entrer ce produit. Il y a aussi le lait diafiltré (destiné aux fabricants de produits laitiers et de crème glacée) qui a été créé pour contourner les règles.»

Et c’est là où le Canada doit être plus rigoureux, estime M. Groleau. «Au Canada, on donne le bénéfice du doute à l’importateur. Aux États-Unis, c’est différent; l’importateur doit faire la preuve qu’il respecte les règles. L’Europe est elle aussi plus rigoureuse sur ses importations

L’ère de la mondialisation

En ce qui a trait aux autres accords de libre-échange, celui avec l’Union européenne se poursuit. Un nouvel accord devra sous peu être négocié avec le Royaume-Uni qui fait désormais cavalier seul, depuis le Brexit.

M. Groleau croit aussi que l’arrivée de Ngozi Okonjo-Iwealadont à la tête de l’Organisation Mondiale du Commerce, qui avait le pied sur le frein depuis quelques années, pourrait décider certains pays à relancer de nouvelles négociations commerciales.

Évidemment, un secteur d’activité comme l’agriculture ne peut plus ignorer les mesures de protection environnementales. Ainsi, l’Accord de Paris de 2015 redéfinie les échanges commerciaux, indique M. Groleau. Ce dernier croit que cette entente qui implique bon nombre de pays peut avoir impact sur l’agriculture. En fait, tous les accords et conventions portant sur le climat peuvent avoir un impact sur le Canada. Est-ce qu’on va continuer à importer des produits en provenance de pays qui ne respectent pas ces accords? Le président de l’UPA pose une question dont il a déjà une bonne idée de la réponse.

 

Reine Côté

rcote@groupejcl.ca

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