(Photo Aerofarms) Newark, au New Jersey, la plus grande ferme urbaine intérieure d’Amérique du Nord.

Des méga fermes urbaines dans les tours à bureaux et centres d’achats ?

Ne serait-il pas moins onéreux et nettement plus écologique de transformer les centres d’achats et les tours à bureaux en fermes urbaines plutôt que de les démolir pour en construire des édifices à condos?

Et si cette idée un peu folle était la solution à la culture maraîchère parfois difficile dans notre climat si capricieux?

Sérieusement, faisable comme concept? «C’est certainement envisageable», lance spontanément l’horticulteur bien connu Albert Mondor, qui n’a pu s’empêcher d’élaborer sur le sujet sur sa page Facebook.

M. Mondor citait en exemple deux cas. Celui de AeroFarms, située à Newark, au New Jersey. «AeroFarms est installée dans un édifice qui abritait une ancienne aciérie transformée en une ferme urbaine. Cette ferme utilise 95 % moins d’eau qu’une ferme conventionnelle et permet d’obtenir une trentaine de récoltes de légumes-feuilles par année pour chaque mètre carré de culture.»

Puis, un cas japonais. «À Tokyo, au Japon, Pasona Urban Farm a vu le jour il y a quelques années. Il s’agit en fait d’un édifice de 9 étages appartenant à l’entreprise Pasona Group dans lequel sont cultivées des plantes comestibles. L’enveloppe et la superstructure existantes du bâtiment, âgé de 50 ans, ont été conservées lors des rénovations. L’espace consacré aux cultures totalise plus de 43 000 pieds carrés avec 200 espèces cultivées dont des fruits, des légumes et du riz qui sont récoltés, préparés et servis dans les cafétérias du bâtiment. Pasona Urban Farm est le projet d’agriculture urbaine de la ferme à la table le plus important jamais réalisé dans un immeuble à bureaux au Japon.»

(Photo Konodesigns) Au Japon, le projet de rénovation d’envergure Pasona Urban Farm comprend une façade verte, des bureaux, un auditorium, des cafétérias, un jardin sur le toit et surtout, des installations agricoles urbaines intégrées à l’intérieur du bâtiment.

Revitaliser les espaces urbains

Alors que le télétravail gagne en popularité en contexte pandémique, on observe des espaces urbains désertés, des tours à bureaux inoccupées et ce, dans plusieurs villes nord-américaines, estime-t-il. «Le taux d’inoccupation des édifices commerciaux dans les grandes villes du Canada et des États-Unis n’a jamais été aussi élevé, atteignant plus de 30 % dans certains cas», fait valoir l’horticulteur Mondor.

«Non seulement les travailleurs désertent-ils les centres-villes depuis le début de cette pandémie, mais de plus en plus de personnes vivant dans les grandes villes choisissent d’aller habiter dans des municipalités plus petites ou rurales», ajoute-t-il.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas redonner une deuxième vocation à ces bâtiments surdimensionnés? «Des appartements et condos pourraient également être créés dans ces tours et centres d’achats tout en y conservant divers commerces essentiels que sont les épiceries, les pharmacies, les restaurants.»

L’horticulteur dit en avoir discuté avec des agriculteurs afin d’en mesurer l’intérêt. «Une seule récolte par année, c’est terminé. Aujourd’hui, les récoltes, c’est 365 jours par année. Et ça, c’est possible à l’intérieur. Pas le maïs et les légumes racines évidemment, mais certainement les légume-feuilles et légumes-fruits (tomates-aubergines-poivrons-haricots).

«Actuellement les agriculteurs ne produisent pas pour les citoyens de la région, mais pour les gros marchés. Alors que les fermes urbaines, ça permet une production locale réunissant citoyens et agriculteurs bouffée localement et cultivée 365 jours par année. Prenez pour acquis que tous les agriculteurs aimeraient contrôler le climat. Ils seraient heureux de contrôler la température. C’est une source de stress importante, sans parler de la quantité d’argent redonné par les compagnies d’assurance lors des pertes de récoltes

Devenir autosuffisants

«Ça n’a pas de bon sens de faire venir les fraises de Californie. Il faut devenir autosuffisants. Avec les fermes intérieures, on fait 8 à 10 fois plus de récoltes par mètre carré, surtout avec un plafond de 5 mètres. On fait donc de la culture biologique et en plus on créé des emplois locaux et on assure de la bouffe 365 jours par année et on redonne vie.»

«Ce n’est pas parfait, car ça prend u matériel aussi mais une fois que le système est installé, on récolte deux millions de dollars en valeurs au prix de gros dans 1500 mètres carrés de ferme intérieure. Certaines peuvent peuvent produire jusqu’à 100 tonnes de nourriture par année. Et l’impact extrêmement positif sur une communauté et une région. Vous réduisez les émissions de gaz à effet de serres car la bouffe ne parcoure plus des milliers de kilomètres. Et si elle est faite avec du terreau, on utilise 80-90 moins d’eau par mètres carré qu’une ferme extérieure, car on est en circuit fermé.»

Selon lui, le concept est bénéfique à tous points de vue et permet même de faire de l’argent. «Ça coûte infiniment moins que de déconstruire et de décontaminer. Si j’étais promoteur, j’aimerais mieux produire des légumes que de vendre des condos.»

 

Reine Côté

rcote@groupejcl.ca

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