L’homme de 48 ans a toujours été convaincu qu’en assumant son homosexualité, il se ferait respecter. Il a eu raison.
Dans la petite communauté outaouaise située près de Maniwaki, on le connait depuis toujours. Sa famille y habite encore. Pour les gens de sa petite communauté, il est d’abord un voisin, un ami et puis un agriculteur comme les autres.
Ses grands-parents avaient même une ferme caprine, dont il s’est occupé quelques années après en avoir hérité. Avec le lait de ses chèvres, il faisait du fromage. C’est là, dit-il, qu’il est tombé en amour avec la production laitière.
Au bout de quelques années, il a vendu son troupeau de chèvres tout en gardant la terre ancestrale pour y cultiver le foin. Puis, il a acheté une ferme laitière dans les environs.
Deux jobs à la fois
Pierre Côté, c’est un homme qui a le cœur à l’ouvrage, comme on dit. Alors qu’il était infirmier, il avait ouvert son salon de coiffure après sa formation. Il a aussi donné des cours de danse. Et encore récemment, il pratiquait la coiffure tout en s’occupant de ses chèvres et de la fromagerie. Lorsqu’il a acquis la ferme laitière, il gérait encore sa ferme caprine. Depuis qu’il l’a vendue, il a grossi son troupeau de vaches.
«Moi, je n’ai jamais eu un profil standard. Souvent les gays quittent leur région pour s’établir en ville. Moi je n’ai jamais voulu partir d’ici. Je n’ai pas de souvenirs que ç’a été mal été. Même à l’école, je n’ai pas le sentiment d’avoir été écoeuré plus que d’autres. Quand ça n’allait pas bien, c’est que je n’allais pas bien avec moi-même», confie Pierre Côté, qui partage ses occupations agricoles avec son conjoint actuel depuis deux ans. Et personne ne lui a fait de commentaires homophobes à ce sujet.
«Les gens ne sont pas ignorants ici. Moi on me disait Pierre : t’es gay, mais toi ce n’est pas pareil, c’est toi. Quand tu t’assumes, tu peux déranger, mais comme dans n’importe quelle sphère.»
Vie relationnelle épanouie
Après avoir eu une courte relation amoureuse avec une femme, l’agriculteur hyperactif a été en couple avec un homme durant 15 ans puis avec un autre pendant trois années et il a un nouveau partenaire de vie depuis quelques années. «Je n’ai jamais eu de difficulté à faire accepter mes conjoints, assure-t-il. Je pense que tout est une question d’attitude. Quand tu t’assumes, on te respecte.»
Il a des projets avec son conjoint actuel, qui gère une ressource intermédiaire pour personnes vivant avec le spectre de l’autisme. D’abord celui de vendre la ferme laitière après six années de soins quotidiens, tout en gardant les chevaux.
Puis, l’arrivée de la COVID ayant bouleversé tous et chacun, le couple envisage d’héberger à long terme sur la ferme les pensionnaires autistes qui vivent en ce moment avec eux depuis le début de la pandémie. «Marco (le conjoint) va fermer sa ressource et les gars vont rester avec nous. On a des chevaux et ils ont développé des aptitudes et une belle autonomie à leur contact», indique Pierre Côté, qui veut aussi plus de temps pour s’occuper de ses parents.
«Dans mon coin, c’est beaucoup plus ouvert que c’était. Il reste du chemin à faire, mais ce n’est pas un milieu pire qu’un autre. Avec le BRAS Outaouais, j’avais organisé un 5 à7 pour briser l’isolement (des personnes gays). Et certains trouvaient ça difficile dans notre milieu rural. J’étais surpris de ça. Je sais qu’il y en a encore des préjugés. Et ça n’a pas de rapport au milieu agricole. Tu peux vivre à Montréal, n’être pas bien et ne pas te sentir aimé», insiste l’agriculteur de Bois-Franc.
Son homosexualité s’est si bien intégrée à sa vie quotidienne qu’il n’y pense guère. Lorsqu’il songe à sa vie, ce sont les défis professionnels qu’il a relevés qu’il retient et les liens affectifs qu’il a construits. Et de la chance d’avoir encore ses parents. Bref, une vie comme tout le monde.
Reine Côté
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