Patates

L’étonnante et épatante patate

La saison des patates est à nos portes et lorsqu’on dit saisons des patates, on parle bien sûr des casse-croûtes ou des cabanes qui bordent les routes du Québec.

Que serait un été sans patates au Québec? Probablement comme un Noël sans neige. Il nous manquerait un je-ne-sais-quoi.

Cette patate, en purée ou bouillie, qui nous roule dans la bouche à la fin de l’hiver parce que nous en avons abusé pendant la saison froide, transforme sa robe pour la saison estivale et nous séduit à nouveau pendant l’été, comme une maîtresse qui sait se réinventer, qui se refait nouvelle pour que le feu reprenne. En casseau ou en poutine, il est difficile de résister.

La patate est donc étonnante et de surcroît épatante, comme le veut le slogan des producteurs de pommes de terre du Québec. En effet, elle est versatile et se cuisine à toutes les sauces. Bien qu’une vie sans patate soit inconcevable aujourd’hui, elle a longtemps été boudée chez certains Européens et qui plus est, chez les colons de la Nouvelle-France.

Un tubercule qui mit du temps à se faire aimer

La pomme de terre est indigène de la cordillère des Andes. Sa culture est attestée dès la période du néolithique. Les Incas la vénéraient et avaient même une déesse destinée à son culte, Axomana. Ce sont les Espagnols qui la ramèneront en Europe au XVIe siècle. Les Allemands et les Britanniques, dont les Irlandais, furent dans les premiers peuples à l’adopter pour leur propre consommation.

En France, la patate n’avait vraiment pas la cote. Jusqu’à la fin du 18e siècle, alors que la Nouvelle-France était déjà passée aux mains de la couronne britannique, la pomme de terre était réservée aux cochons et aux prisonniers. Autrement dit, c’était un aliment de seconde catégorie. C’est Antoine-Augustin Parmentier qui la rendit appréciable en vantant ses vertus auprès de Louis XVI et de la population française. Après un emprisonnement par les Prussiens pendant la guerre de Sept ans, il découvrit le tubercule aux multiples vertus.

En Nouvelle-France, il faut aussi attendre la fin du 18e siècle et le début du 19e pour que la pomme de terre gagne en popularité. Bien qu’elle fût cultivée depuis des lustres par les autochtones, les colons français la réservaient principalement à l’alimentation des bêtes et l’utilisaient comme remède médical. On pense qu’elle prit lentement sa place dans l’assiette des habitants canadiens au fur et à mesure qu’elle fut apprivoisée par ces derniers.

L’immigration au service de la patate canadienne

L’immigration britannique a joué pour sa part un très grand rôle dans la consommation de la pomme de terre au Québec. Elle a gagné en popularité, d’abord avec l’arrivée des habitants des Treize colonies à la suite de la Conquête de 1763 puis celle des Loyalistes après la guerre d’indépendance des États-Unis. On pense aussi que les Irlandais ont eux-aussi été des acteurs majeurs dans la culture et la consommation de la patate au Québec.

Dans les Laurentides et en Outaouais, beaucoup d’Irlandais en provenance de Montréal ont travaillé sur les canaux Carillon, Greenville et Rideau et se sont ultimement installés dans les deux régions. Les Irlandais ont ainsi apporté avec eux leurs habitudes alimentaires qui depuis longtemps, tournaient autour de la culture de la pomme de terre, principale source d’alimentation dans l’île verte. D’ailleurs, à partir du milieu des années 1840, le tubercule d’Irlande sera ravagé par le mildou. Cette maladie sera à l’origine de la destruction des cultures et provoqua une famine historique en Irlande. Beaucoup de familles irlandaises immigrèrent donc dans les colonies britanniques, dont le Canada et plusieurs vinrent s’installer dans les Laurentides et en Outaouais.

La patate a permis ainsi de nourrir des générations et des générations de Canadiens français et d’immigrants. Lors de la colonisation du Nord, la patate aida les colons à survivre aux conditions agricoles souvent très peu avantageuses. Linda Rivets, archiviste et directrice générale de la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord, raconte que c’est l’une des seules choses qui poussait à Saint-Colomban, alors que les colons des Laurentides, dont plusieurs familles irlandaises recrutées par le curé Labelle, s’acharnaient à cultiver leur terre de roche.

 

Simon Martel

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